Aux premiers abords, parler d’économie du patrimoine et de la culture pourrait sembler contradictoire ou même être jugé inapproprié par certains. Le patrimoine culturel immobilier par exemple, a ainsi longtemps été perçu comme un legs à prendre en charge pour le transmettre, mais heureusement, aujourd’hui cette notion a évolué. En plus de ses valeurs socioculturelles, le patrimoine culturel porte en lui des valeurs économiques diverses liées tant à son existence dans un territoire qu’à son usage. De ce fait il devient actuellement vecteur de développement. C’est une ressource,un actif, un capital culturel à reconnaître, conserver et valoriser.
Plus simplement, un patrimoine quand il est mis en valeur engendre de l’économie qui peut prendre plusieurs formes et qui, dans certains cas, peut aider au développement local, et même territorial. En parallèle, les sites et monuments du patrimoine mondial témoigne de l’exceptionnel, de l’unique et du rare, de ce fait, ils acquièrent une attractivité qui se manifeste principalement à travers le tourisme et donc génère des retombées économiques importantes. Toutefois, cet engouement et cette économie peut provoquer aussi des effets néfastes sur ces patrimoines : muséification, gentrification, tourisme de masse, spéculation,etc.
De ceci, la réponse à la question « le patrimoine fardeau ou créateur de richesses ? » n’est ni simple ni unique, elle est plutôt propre à chaque contexte avec le défi commun de trouver un équilibre qui permet la préservation des ressources et leur valorisation « économique ».Notre pays l’Algérie, rassemble en son sein une importante composante patrimoniale. Riche et variée, celle-ci pourrait constituer un levier de développement d’économie culturelle,patrimoniale et touristique, mais il en est autre chose… des richesses en péril et un pays peu connu même de ses habitants.
L’exemple de la capitale algérienne illustre parfaitement ce paradoxe. Elle regorge de divers attributs patrimoniaux naturels et culturel, sur le plan du bâti, elle offre un paysage architectural varié présentant plusieurs époques et différents styles. Ce capital culturel peu connu ou mal entretenu, peu valorisé est en attente de prise en charge et d’intégration au projet d’Alger métropole. Et même si des projets de réhabilitation et revitalisation sont menés, les résultats sont minimes. Ainsi, la Casbah d’Alger, ce haut lieu d’histoire qui a fait couler tant d’encre, vit une réalité contrastée.
D’une part, ce site majestueux est reconnu mondialement pour ses valeurs exceptionnelles mais d’autre part, on voit l’état physique et de salubrité de la majorité de ses bâtiments en constante dégradation. Discours politiques ambitieux, déblocages financiers, successions de projets et programmes depuis des décennies,mais les aboutissements sont ponctuels et donc peu visibles.
Mais étonnant, malgré ces échecs, la Casbah a attiré et continue encore à attirer des artistes,des artisans, des architectes, des écrivains ou tout autre type de visiteur. Ce charme qu’elle porte en elle et cette attractivité, permettent aujourd’hui de voir naître autour d’elle une économie. Une économie patrimoniale qui prend plusieurs formes. Entre le licite et l’illicite cette médina qui agonise sur le plan physique, se voit revivre parla multiplication de diverses initiatives citoyennes.
Ouverture de restaurants et de tables d’hôtes valorisant la gastronomie algéroise, balades et parcours de visites guidées dans ses ruelles en escaliers, animations culturelles à l’instar des chasses au trésor, des ateliers d’initiation à l’artisanat local ou encore les soirées musicales dans les maisons de la Casbah. Toutes ces initiatives font affluer des visiteurs de divers coins de l’Algérie et du monde curieux de découvrir les secrets de ce centre historique.Ajouté à cela, d’autres initiatives participent indirectement à la création de cette économie.Sur les réseaux sociaux par exemple, des pages activent à faire connaître le lieu et à sensibiliser pour sa sauvegarde. Ou encore in situ, où l’on assiste à la multiplication de compagne de nettoyage ou de peinture des ruelles, de chantiers participatifs d’aménagement d’espaces vides, etc.
Conséquemment, une microéconomie est créée là où les politiques ont échoué à mettre en place un développement. Ces bénéficiaires sont divers,tant ses initiateurs (guides, associations, habitants,etc.), que le site avec ses résidents ou les artisans qui ont plus de visibilité et bien d’autres.
De ce constat, on peut conclure que malgré la détérioration de la Casbah, le patrimoine de la Casbah possède une attractivité à mettre en avant. Alors comment faire pour pérenniser ce site et son attractivité, qui mieux gérée, donnerait lieu à un développement local ?Enfin, aujourd’hui plus que jamais il est impératif réconcilier le patrimoine avec le reste du territoire,mais aussi avec la société.