Il y a très longtemps dans un village reculé des montagnes de petite Kabylie, vivaient un homme qui se prénommait Sultan et sa femme Khadidja. Ils avaient une fille unique qui se prénommait Lundja. Elle incarnait tout ce qu’un père désirait. En plus d’avoir une beauté naturelle, Lundja était vive d’esprit, calme et serviable. Son père appréhendait le jour où elle devrait quitter le foyer pour se marier, si bien qu’il refusait les nombreux prétendants qui venaient sonner à sa porte. Elle seule déciderait du moment mais pour l’instant, Lundja se disait jeune et pas intéressée.
Les saisons passèrent, Lundja avait grandit et devenait de plus en plus belle. Elle se sentait désormais prête pour quitter le foyer et se marier mais sa pudeur ne lui permettait pas d’en parler ouvertement à son père.
Un jour de printemps, elle alla voir son père et lui proposa d’aller se promener près de la fontaine. Là, ils passèrent tout prêt d’un jardin fleurit et bien garnit, la jeune fille se pencha vers son père et lui dit:
« Tu vois père comme ce jardin est jolie, comme une femme épanouie dans son foyer? ».
Son père acquiesça.
De retour à la maison, le père alla voir sa femme et lui dit :
« Notre fille veut se marier! »
Aussitôt, Khadidja s’empressa d’aller voir les femmes du villages pour les informer que Lundja était désormais disposée à prendre un homme comme époux. Si ces femmes avaient des fils en âge, ils seraient les bienvenus.
A la fin de la journée, 7 prétendants étaient là pour Lundja.
Le père, gêné, ne savait comment réagir à cette situation. Il n’avait qu’une seule fille et ne savait quoi répondre à ces hommes. Il ne voulait en refuser aucun. Il réfléchit quelques instants puis alla à l’arrière de la maison. Sultan avait une vache, une chienne, une chatte, une ânesse, une chèvre et une brebis. Ils les considéraient toutes comme ses propres filles. Son souhait fut que ces bêtes deviennent humaines. Son vœux était si fort qu’en un éclat les bêtes prirent l’apparence de jeunes femmes, toutes plus belles les unes que les autres. De retour à la maison il présenta les différentes jeunes filles aux prétendants.
Quelques temps après la célébration des mariages, Sultan alla chez ses filles pour prendre quelques nouvelles.
Celui qui avait épousée Lundja était comblée, elle tenait très bien la maison, elle était attentionnée et ne posait aucune contrariété à son époux. Apaisé, Sultan poursuivit son chemin et se rendit chez la jeune fille qui était autrefois la vache.
Il alla voir son gendre et lui demanda si tout se passait bien. Ce dernier lui répondit :
« Ma femme est généreuse, elle rend service mais elle n’est jamais rassasiée »
Sultan poursuivit son chemin et s’en alla retrouver le gendre qui avait pris la chèvre pour épouse et lui demanda si tout se passait bien. Celui-ci lui répondit :
« Elle est impolie, elle ne se contente pas de ce qu’on lui donne, elle cherche à toucher à ce qui ne lui est pas du »
Sultan poursuivit son chemin et s’en alla retrouver le gendre qui avait pris la brebis pour épouse et lui demanda si tout se passait bien. Celui-ci lui répondit :
« Elle est facile à vivre mais elle reste toujours au même endroit, elle ne bouge que très peu »
Sultan poursuivit son chemin et s’en alla retrouver le gendre qui avait pris la chienne pour épouse et lui demanda si tout se passait bien. Celui-ci lui répondit :
« Elle est débrouillarde mais elle est souvent agitée, elle crie et ne tient pas sa langue »
Sultan poursuivit son chemin et s’en alla retrouver le gendre qui avait pris la chatte pour épouse et lui demanda si tout se passait bien. Celui-ci lui répondit :
« Elle est très calme et douce mais très susceptible »
Sultan poursuivit son chemin et s’en alla retrouver le gendre qui avait pris l’ânesse pour épouse et lui demanda si tout se passait bien. Celui-ci lui répondit :
« Elle ne parle pas, elle n’écoute rien et elle est très têtue »
Sultan rentra retrouver sa femme, heureux de voir que toutes ces filles étaient restées, au fond ce qu’elles étaient.