Lounès, écolier, n’était pas aussi turbulent qu’il a pu l’écrire lui-même. Je pense qu’il était surtout rebelle à un système d’enseignement qui ne laissait pas de place à la langue et à la culture tamazight. Lounès paraissait continuellement absorbé par la poursuite d’un rêve intérieur. Je crois en avoir découvert la clef au printemps 1967. J’avais invité les élèves du CM2 à s’exprimer librement devant les micros d’un magnétophone. Les uns choisirent de réciter un poème, les autres de lire un texte. Quant à Lounès, encouragé par ses camarades qui connaissaient ses dons, il choisit de chanter en tamazight, sa langue maternelle. (Peut-être retrouverai-je un jour la bande que j’ai enregistré à cette occasion ?.
Quand Lounès, l’enfant de 10 ans, s’arrêta de chanter, toute la classe applaudit. Quelle fierté pour lui ! Lorsque, 20 ans plus tard, j’appris qu’un chanteur amazigh inspiré portant le nom de Matoub connaissait le succès, je ne mis pas longtemps à me faire confirmer qu’il s’agissait de Lounès. J’ai alors pensée qu’il était parvenu à réaliser le plus beau de ses rêves.
Je revis ensuite Lounès plusieurs fois. Il m’offrit une place pour un de ses concerts à Paris. Pour ma part, je lui fis cadeau d’un livre de Mouloud Mammeri/ « Les Isefra de Si Mohand ».
En 1996, il me téléphona pour me rencontrer. Quand je le revois, il me donna son livre « Rebelle » qui venait d’être édité. Je le conserve pieusement en souvenir de lui et je reproduis ici la dédicace qu’il écrivit à mon intention au début de l’ouvrage.
« Les voix du passé nous interpellent pour montrer les voies futures. Avec toute ma considération. Votre turbulent élève. Fraternellement » ajoutant plus loin « Boomerang : vous m’avez offert Mammeri, je vous offre ma désolation ». Eh bien, non Lounès, je n’ai pas pris ton livre pour une « désolation, mais pour un témoignage poignant, pour un vrai cri du cœur de l’enfant libre, de l’homme libre que tu as toujours été.
Lounès, je n’oublierai jamais ton courage et ta persévérance à défendre en chantant la langue tamazight et la culture ancestrale qu’elle t’avais léguée.
Hélas, une mort injustement cruelle t’a ravi à nous mais ton souvenir, lui, ne périra jamais.
Michel MIRSKI ( maître d’école à Tagmount Azzouz les années 60)